MARIE DE BROUWER
", je fais souvent des rêves éveillés comme ça, c'est mon côté Perrette et le pot au lait, on ne se refait pas, mais j'aime bien ces fantasmagories, ça me permet de passer des après-midi difficiles, je veux dire avant que Marie de Brouwer n'entre dans ma vie, mais je l'attendais sans le savoir, au fond de moi, je me disais, elle trouvera un jour le chemin de la grande maison près de la rivière, et je l'emprisonnerai de mes deux bras, elle ne pourra plus s'envoler, plus jamais, en attendant, jour après jour, obstiné, je tape comme un malade sur mon clavier, tap, tap, et clic, clic, imprimante, et les pages s'accumulaient, le soir, avant la fermeture de la banque, j'allais déposer le tapuscrit et une clé USB dans mon coffre, l'autre clé, je la confiais à Marie, c'était comme ça, une mesure de précaution, c'était Marco qui m'avait donné le tuyau, je n'avais rien enregistré sur mon PC, ils pouvaient toujours chercher, bien sûr, je pouvais me faire alpaguer sur le chemin de la banque, mais je changeais d'itinéraire tous les jours ou presque, c'était un peu comme dans un film policier, je me sentais bien dans la peau du personnage, je rencontrais Marco de temps en temps discrètement au Pablo, on était en train d'imaginer une suite à ses aventures, alors moi, je prenais des notes ou j'enregistrais, j'avais un rapport de confiance avec Marco, et il me le rendait bien, je crois, je savais qu'il dealait de la coke ou d'autres cochonneries de ce genre, mais je ne voulais pas m'en mêler, juste faire mon job de nègre, et toucher le chèque à la parution, je ne racontais pas tout à Marie, elle se serait inquiétée pour rien, enfin, je le pensais à l'époque, un jour, au Pablo, Marco, tout sourire, a poussé devant mon nez un gros cylindre en carton verni, il m'a dit ouvre, ouvre donc, et j'ai ouvert, et à l'intérieur, j'ai trouvé deux magnifiques Panama, un pour homme, un pour femme, et des authentiques, genuine sraw, qualita superiore, handwoven in Ecuador,"
c/Solamens/Marie de Brouwer/Roman/p.13
