MARIE DE BROUWER...
", je me suis trop longtemps coulé dans le moule du scribe, de l'esclave, du tailleur de haute et basse couture, je me suis fait une réputation assez solide dans ce métier de chien,,et maintenant que je veux écrire mon roman, mes histoires, on me rit au nez comme l'autre connard dans son bureau, ou on me moque, comme Marie le fait, gentiment, certes, mais elle se fiche de moi,, je le sens bien, elle ne croit pas à ce que j'écris, à ce que je pense, je voudrais un roman-fleuve, une furie de mots, une cascade d'indignations, de révoltes, et je me retrouve tous les matins devant mon clavier annexe, noir et muet, AZERTYUIOP, qui, lui aussi, se paye ma gueule, il attend que je lui caresse de sombres histoires de caïds, de règlements de comptes, de flingues, de mallettes bourrées de pognon, et de révélations en prime sur TF1, moi, je ne rêve que de rivière, d'arbres de poésie, d'oiseaux multicolores, de Maries rieuses,de matins calmes, sereins, sous la tonnelle de houblon, mais je ne peux pas écrire ça, je sens que mon clavier se bloquerait, refuserait de graver sur l'écran blanc, pourtant je tape, oui, je tape, comme un sourd, pas jour et nuit, mais presque, dès que j'ai terminé mon sale boulot de nègre, je plonge les mains dans la pâte de mon roman, et je pétris, je pétris,"
c/Solamens/Marie de Brouwer/roman en lectures/p.42
